Le porc comme modèle de recherche

1 Fév 2017
Février 2017, Vol.6, no.1

Nouvelles thérapies, tests de dépistage de drogues, modèles de maladies et même la promesse de production d’organes pour l’homme : ce sont tous des exemples du potentiel illimité des porcs en recherche. Laboratoire du Dr Vilceu Bordignon, McGill University.

Bien que les souris soient les modèles animaux les plus utilisés en recherche, les porcs ont davantage de similitudes anatomiques, physiologiques, métaboliques et génétiques avec les humains. Depuis la domestication des animaux, l’intervention humaine, grâce à des programmes de sélection, a permis l’établissement de différentes races de porcs. Outre les races spécialisées en production alimentaire, des races plus petites (miniatures et micro-porcs) ont également été sélectionnées. Leur utilisation en recherche biomédicale a considérablement augmenté ces dernières années, principalement en raison des avantages qu’ils présentent en ce qui concerne la taille et l’entretien, par rapport aux races de taille régulière.

Construction des modèles

Les porcs offrent de nombreuses applications intéressantes, y compris la recherche sur les cellules souches, l’ingénierie tissulaire et la xénotransplantation. La combinaison de nouvelles méthodes de biologie moléculaire, d’outils d’édition du génome et de technologies de la reproduction, telles que la production d’embryons in vitro et le transfert nucléaire de cellules somatiques (TNCS ou clonage), peut maintenant être appliquée pour créer des porcs génétiquement modifiés (réguliers et minipigs).

En effet, plusieurs groupes de recherche ont utilisé avec succès ces méthodes chez les porcs réguliers et les minipigs. Les outils d’édition du génome, incluant le système CRISPR/Cas, ont permis de faire des manipulations précises dans des gènes spécifiques de cellules, de zygotes et d’embryons en développement.

Les nouveaux progrès en biotechnologie ont permis la création d’animaux génétiquement modifiés qui peuvent être conçus pour imiter des pathologies spécifiques observées chez l’homme. Ces technologies peuvent aider à développer des modèles porcins spécifiques qui représentent mieux ces conditions par rapport aux modèles murins classiques.

Système CRISPR/Cas: répétitions groupées, régulièrement intercalées, palindromiques courtes (Clustered, Regularly Interspaced, Short Palindromic Repeats) (CRISPR), combinées à des nucléases Cas (associées aux CRISPR ou CRISPR associated).

L’équipe du Dr Bordignon étudie la reprogrammation des cellules somatiques, le développement de l’ovocyte et de l’embryon, et utilise le transfert nucléaire de cellules somatiques (TNCS), les technologies embryonnaires in vitro et le système CRISPR/Cas afin de créer des modèles uniques pour étudier le développement, le stress, le métabolisme et les conditions dégénératives.

Le système CRISPR/Cas (Figure 1) comprend la nucléase Cas9, qui clive l’ADN, et un ARN simple guide (ARNsg ou single guide RNA), qui détermine le site spécifique du génome qui doit être clivé par Cas9. Le système peut être administré aux zygotes par microinjection cytoplasmique (au travers la membrane) ou pronucléaire (dans le noyau). Dans les embryons produits par clonage, il est possible de modifier le génome en induisant le système CRISPR/Cas soit dans la cellule du donneur nucléaire avant le transfert nucléaire, soit dans les zygotes reconstruits après clonage.

Séquençage du génome du porc depuis 2012. Bien qu’il ne soit pas encore complètement terminé, le séquençage du génome du porc représente un facteur clé dans le développement des porcs génétiquement modifiés dans l’ère post-génomique. Sans cette information, une modification génétique spécifique ne serait pas possible chez cette espèce. Ainsi, au cours du développement d’un modèle animal, il est essentiel d’établir les gènes candidats qui sont liés à la condition observée chez l’homme.

Xénotransplantation

Les principales préoccupations entourant la xénotransplantation tournent autour de la transmission d’agents infectieux, ainsi que le rejet de tissu/organe. Cependant, ces défis peuvent être résolus par l’édition et l’ingénierie du génome du porc. Les rétrovirus endogènes porcins (porcine endogenous retroviruses ou PERVs) sont présents dans l’ADN du porc comme provirus inactifs qui peuvent devenir actifs chez d’autres espèces. En 2015, les chercheurs ont pu inactiver 62 PERVs dans des embryons de porc en utilisant le système CRISPR/Cas. De plus, de nombreux modèles porcins ont déjà été créés pour aborder la problématique des rejets de tissus/organes, qui comprend l’inactivation de l’épitope α-Gal, une des principales causes de rejet des tissus. De nouvelles études combinant à la fois l’inactivation des agents infectieux et l’atténuation des réactions hyper aigües de rejet ont poussé la xénotransplantation un peu plus près de la réussite.

Production d’organes humains chez le porc

En dépit de la grande promesse de xénotransplantation, la génération d’organes dérivés du porc pour l’utilisation chez les humains est toujours une question discutable. Parallèlement, des chercheurs ont exploré la création d’organes donneurs non immunogènes chez des porcs en utilisant des cellules souches humaines pluripotentes induites (human induced pluripotent stem cells ou hiPSCs). Cette technologie pourrait devenir une réalité dans les années à venir. En effet, des découvertes récentes ont démontré la formation de chimères en utilisant des hiPSCs injectées dans des embryons porcins. Cette technique pourrait ouvrir une nouvelle perspective afin de contourner la pénurie de cellules/organes pour la transplantation.

La pénurie d’organes pour la transplantation est un problème qui prend de l’ampleur dans le monde entier. La xénotransplantation, soit l’utilisation d’organes
provenant de donneurs animaux pourrait diminuer le temps d’attente pour les patients humains ayant besoin d’une transplantation d’organes.

Préoccupations éthiques

La plus grande limitation n’est pas nécessairement la capacité de générer des modèles animaux génétiquement modifiés qui sont efficaces pour la recherche, mais de trouver un équilibre adéquat entre les objectifs de recherche et d’éviter aux animaux des souffrances ou de la détresse inutiles. Ceci est encore plus important lorsqu’on considère des manipulations spécifiques du génome qui sont connues pour aboutir à une maladie et/ou un inconfort significatif pour les animaux.

Il est essentiel que tous les organismes de recherche impliqués (gouvernement, universités et privés) se conforment aux organisations de protection des animaux afin d’autoriser, de contrôler et de réglementer ce type de recherche sur les animaux.

Conclusion

Le porc est un modèle biomédical remarquable qui gagne l’approbation et la reconnaissance en raison de ses similitudes avec les humains. D’innombrables applications peuvent être dérivées de modèles porcins. Malgré tous les avantages potentiels, de nombreux obstacles, à la fois biologiques et éthiques, demeurent à résoudre.

 

Références

Dooldeniya, M.D., and Warrens, A.N. (2003). Xenotransplantation: where are we today? J R Soc Med 96, 111-117.

Gutierrez, K., Dicks, N., Glanzner, W.G., Agellon, L.B., and Bordignon, V. (2015). Efficacy of the porcine species in biomedical research. Front Genet 6, 293.

Prather, R.S., Lorson, M., Ross, J.W., Whyte, J.J., and Walters, E. (2013). Genetically engineered pig models for human diseases. Annual review of animal biosciences 1, 203-219.

Walters, E.M., Wolf, E., Whyte, J.J., Mao, J., Renner, S., Nagashima, H., Kobayashi, E., Zhao, J., Wells, K.D., Critser, J.K., et al. (2012). Completion of the swine genome will simplify the production of swine as a large animal biomedical model. BMC Med Genomics 5, 55.

Wu, J., Platero-Luengo, A., Sakurai, M., Sugawara, A., Gil, M.A., Yamauchi, T., Suzuki, K., Bogliotti, Y.S., Cuello, C., Morales Valencia, M., et al. (2017). Interspecies Chimerism with Mammalian Pluripotent Stem Cells. Cell 168, 473-486 e415.

Yang, L., Guell, M., Niu, D., George, H., Lesha, E., Grishin, D., Aach, J., Shrock, E., Xu, W., Poci, J., et al. (2015). Genome-wide inactivation of porcine endogenous retroviruses (PERVs). Science 350, 1101-1104.

24 heures de science du RQR – Modification du code génétique: jusqu’où peut-on aller?

Le 24 heures de science c’est une journée d’activités en science et en technologie qui s’adresse aux publics de tous les âges, se déroule partout au Québec et dont la durée des activités varie de une heure à 24 heures. L’objectif est de favoriser les rencontres entre les chercheurs et le grand public, de stimuler l’intérêt général pour les sciences et les technologies et de promouvoir les carrières scientifiques auprès des jeunes.

Cette année, le thème proposé est « Science et fiction ». Clonage, édition de gènes, thérapie génique : ce qui paraissait de la science-fiction il y a à peine 50 ans est peut-être déjà devenu réalité!

Ainsi, le RQR vous invite à venir discuter de l’édition de gènes avec la Dre Vardit Ravitsky, membre du RQR et professeure à l’Université de Montréal. En quoi consiste la technique? Quelles sont les applications en biologie de la reproduction? Quels sont les questions éthiques soulevés par cette nouvelle technologie?

L’activité est gratuite et aura lieu au CHU SteJustine à Montréal le samedi 13 mai de 13h30 à 15h. Pour plus d’informations ou pour vous inscrire, veuillez communiquer avec la gestionnaire par courriel au j.blouin@umontreal.ca ou par téléphone au (450) 773-8521 poste 8286.

Prix du RQR pour la mobilisation des connaissances

Deux prix de 400$ chacun ont été remis, lors du 9e Symposium du RQR en novembre dernier, à deux membres s’étant démarqués pour leur implication au niveau des utilisateurs. Les récipiendaires sont la Dre Géraldine Delbès de l’INRS et Phanie L. Charest, étudiante à la maitrise à l’Université Laval.

Par mobilisation des connaissances, on sous-entend que ce sont des activités qui sont destinées aux utilisateurs finaux et non seulement à la communauté scientifique. On parle donc de vulgarisation scientifique pour rendre la biologie de la reproduction accessible aux utilisateurs soit :

  • le grand public,
  • les cies pharmaceutiques et biotechnologiques,
  • les vétérinaires,
  • les médecins cliniciens,
  • le gouvernement,
  • et les autres cibles appropriées.

La Dre Delbès s’est démarquée grâce à sa participation à des activités destinées au grand public comme le Festival Pint of Science Canada. Elle a également participé à la capsule du RQR intitulée « Au coeur de l’expertise en reproduction humaine et animale » à l’émission « Quoi de neuf chercheur » au Canal Savoir.
Phanie s’est impliquée en donnant des conférences et des ateliers s’adressant à des vétérinaires pathologistes et toxicologistes ainsi qu’à des techniciens en santé animale.

Au nom de tous les membres du RQR, félicitations aux deux récipiendaires!

Date à retenir…

13 mai 2017 : 24 heures de science du RQR intitulé Modification du code génétique: jusqu’où peut-on aller? L’activité est gratuite et aura lieu de 13h30 à 15h au CHU Ste-Justine à Montréal. Inscription requise (café, jus et viennoiseries seront offerts). Pour tous les détails ou pour vous inscrire : j.blouin@umontreal.ca.

Pour consulter la liste complète des activités ou pour avoir plus d’informations sur les activités proposées, visitez le site web RQR-TC.